Chapitre 1 - Une mission si simple
Le dactylo-réveil de Franck se mit à vibrer. Le soldat gémit, se retournant sur son lit, attendant que la prothèse bioélectrique s’arrête. Peine perdue. Reliée au détecteur de mouvement cervical, son index se remit à trembler compulsivement, forçant finalement l’homme à sortir de sa torpeur. Se redressant sur son lit, il vit l’aube poindre sur l’écran-fenêtre adossé au mur.
— Putain de mission de merde, maugréa Franck
Il maudit le wardvisor avait cherché à tout prix à décrocher ce contrat dans un tel trou paumé où il n’y avait même pas une connexion satellite correcte. Le protocole de mission sentait le cadrage d’un commercial cherchant à valider à tout prix son prospect. Franck pensait encore aux raisons qui l’avait fait accepté la mission quand le luminaire de la chambre s’éclaira, révélant sa tenue Peugeot-Nexter, affublée d’un casque vision-nocture Fujifilm. Vu le profil du client, on n’avait pas jugé utile de lui fournir mieux.
Le mercenaire enfila machinalement sa tenue, lançant l’OS de combat en prévision de la mission. Le Doujin chinois reposant à côté de l’armure, Franck s’en saisit. Le fusil d’assaut opéra immédiatement une reconnaissance palmaire, un procédé obsolète depuis plusieurs années.
— Allons casser de l’autochtone, pesta-t-il, en finissant d’enfiler son casque.
— Franchement, Franck, c’est le bon plan, lui lança la wardvisor. Franck jeta un œil sur son badge torsal, déchiffrant son prénom, Lucie.
— …pas de contacts armés prévus, du simple convoyage de batteries et…
— Un simple convoyage avec combinaison et munitions abondantes. Tu m’envoies dans l’enclave autonome Marseille Inc., blindée de dealers et plaque tournante du trafic d’armes pour les groupes extrèmistes de tout le sud de l’Europe. En solo en plus.
La consultante plissa les yeux, visiblement énervée d’avoir été interrompue.
— Il suffit juste d’encadrer un convoi Helium-Argon, rien de dramatique. Si on envoie un bataillon on va se faire remarquer. Un simple garde sur un siège passager, c’est monnaie courante dans l’enclave et ça éveillera moins les soupçons.
— « Suffit juste », maugréa Franck en mimant les guillemets des deux mains, s’il suffit juste explique-moi pourquoi c’est au gars là depuis à peine 6 mois qu’on file le contrat. Tu me prend pour un con, Lucie ?
— Pas de ça avec moi, Franck. Vous savez très bien ce que cela signifie si vous refusez: faute lourde et rupture immédiate du contrat, entraînant la perte de votre visa pan-européen.
Franck pesta. La négo était terminée. Arrivé depuis l’Allemagne suite à la guerre civile, son droit d’asile était conditionné au précieux sésame fournis par les entreprises de mercenaires (plus pudiquement appelés war-tech), dont Waas France, dont il était devenu simple trouffion, « contrôleur de terrain » dans le jargon de la communication.
— Dans ce cas pourquoi tu m’as convoqué ? Il t’aurait suffit d’envoyer un dactylo-mail pour l’affectation.
La femme se pinça les lèvres.
— Le processus d’attribution des missions solos est clair, entretien direct avec le wardvisor responsable du contrat. Vous pouvez disposer… contrôleur. Elle avait le dernier mot avec une grimace, comme si le mot en lui-même signifait tout son mépris pour les exécutants. Je vous envoie le reste des détails via dactylo-mail. Apparemment vous préferez.
Franck se leva, l’air blasé, et sortit du bureau. La lampe de la porte clignota, signifiant la fin de l’attribution et permettant au soldat qui patientait à côté de rentrer à son tour.